Coups de coeur !

Au passage, le film du moment, à mon humble avis, c'est le film d'Olivier Assayas, "L'heure d'été", en dépit de sa bande annonce plan plan. Un film qui s'inscrit dans la filiation de Tcheckov (on pense souvent à la "Cerisaie"), mais qui constitue surtout une réflexion très sensible sur la transmission des objets au sein d'une famille, en particulier après le décès d'un de ses membres, en même temps qu'une critique sociale très subtile et plutôt inattendue de la part d'Assayas, dans un film que l'on peut tout de même voir comme un "voyage en grande bourgeoisie". On est loin du petit film français auquel on voudrait le réduire avec fainéantise.

Il ne faudrait pour autant pas snober "Il y a longtemps que je t'aime", un mélo populaire, plutôt en retenue, servi par une interprétation remarquable et qui n'est pas réductible à la grosse erreur de scénario que constitue le "retournement" final.

Enfin, "There will be blood" est le film en salle dont la mise en scène a le plus d'ampleur. La musique, signée par un des membres du groupe Radiohead, accompagne de façon parfaite le film et Daniel Day-Lewis y est excellent, comme dans ses précédents films. Le film, qui a l'ambition de rendre compte de ce que sont les Etats-Unis, entre pétrole, esprit de conquête et fondamentalisme religieux, me paraît cependant à bien des égards détestable, en particulier dans le rapport à son personnage principal. Sa misanthropie est donnée en spectacle, et le personnage est exposé un peu à la manière d'un montreur d'ours qui nous dirait "regardez comme il est méchant, mais il peut faire encore pire". Quoi qu'il en soit, dans sa forme, le film est très fort mais trop systématique. Il n'y a plus d'espoir, le sale espoir...

Bon, j'arrête de vampiriser le forum de mes camarades de colonie avec mes commentaires verbeux sur les films à l'affiche. A priori, il devrait être question d'histoire / géographie ici. Mais il n'y a pas que le boulot dans la vie, il y a aussi le cinéma et le foot. J'en profite pour souligner l'absence d'une rubrique football et je m'en indigne. Encore une manifestation de ce snobisme intellectuel qui vise à exclure les amateurs de sport des cercles de culture, n'est-ce pas ? Quoi, j'en fais trop ?

Euh, après cette prose magnifique et fort intéressante, oserais-je écrire ce que je m'apprête à écrire? Allez, j'ose: moi j'ai adoré les Ch'tis!
Voilà, c'est dit!

Et pourquoi en aurais-tu honte?
Le succès populaire ne signifie pas que le film n'est pas "assez bien" pour francesco. Si ?
Et la grande vadrouille, alors? C'est de la gnognotte pour adolescentes ça aussi ?
Bon, personnellement, je n'ai vu ni l'un, ni l'autre. Mais je suis convaincu qu'une bonne tranche de rire en dit plus que certains longs discours.
Ch'ti Power!

Pour te répondre, Choupinou, il est bien évident que le succès populaire ne peut disqualifier un film. Le problème du cinéma aujourd'hui, me semble-t-il, c'est que certains de ses acteurs veulent le réduire à une simple alternative entre un cinéma indigent ayant renoncé à toute ambition en termes de mise en scène comme de scénario, le seul à disposer d'un accès large au public, d'un côté, et un cinéma exigeant, peut être, mais obscur, qui se complait dans l'absence de spectateurs dans les salles qui le diffusent, à la manière d'un poète maudit.

Je crois que grands distributeurs et réalisateurs de talent se satisfont trop souvent de cette alternative. Pour ma part, il me semble que réduire le cinéma à cette simple alternative revient à enterrer le seul véritable art populaire qu'il constitue depuis des décennies.

A mon sens, il faut rappeler aux grands distributeurs, qui abrutissent leur public en connaissance de cause, que les seules logiques commerciales ne peuvent suffir dans le cadre d'un processus créatif, au cinéma en particulier. Mais il faut également rappeler aux réalisateurs exigeants, dont les films sont labellisés "art et essai", que tous les grands réalisateurs de cinéma ont rencontré le public, qu'il s'agisse de Fritz Lang, de Welles, de Renoir, d'Hitchcock, de Mankiewicz, de Kazan, de Huston aux Etats-Unis et de tous les grands ailleurs. Tous ont accepté de se confronter, et parfois d'accepter, les logiques des studios. Ne pas faire d'entrées en salle ne peut donc être vu comme un honneur, le signe d'une virginité conservée, comme on peut penser que c'est parfois le cas chez certains aujourd'hui.

Pour te répondre donc, je n'ai jamais contesté un film parce qu'il était populaire, plus exactement parce qu'il attirait du public (ce qui n'est pas du tout la même chose, soit dit en passant), mais je ne vais pas non plus hurler au génie sous prétexte qu'il le fait.

Concernant les exemples que tu choisis, je ne pense pas (mais cela n'engage que moi) que "La Grande vadrouille" soit un grand ou même un bon film. Ce qui ne m'empêche pas d'apprécier l'humour des films de la troupe du Splendid (les bronzés, le père noël...) ou de trouver "0SS 117" drôle. En ce qui concerne les Ch'tis, beaucoup de gens m'ont vanté ce film, y compris parmi ceux que j'ai en estime. Je n'y suis cependant pas allé et je n'irai pas, parce qu'il y a des moments d'unanimité nationale qui font peur et parce que je pense que ce n'est pas cette "création" là que j'ai envie de défendre en achetant une place, dans un budget limité. Il se trouve par ailleurs que je n'ai pas vu de gag amusant dans la bande annonce (à part la pluie sur l'autoroute juste après le panneau "région NPC"), ce qui ne m'a pas amené à changer d'avis. Mais je me doute que nous ne serons pas d'accord sur ce point.

Alors moi j'ai aussi adoré "bienvenue chez les ch'tis" mas par contre détesté "oss117"!

Je ne crois pas qu'il y ait vraiment une polémique et, au demeurant, je ne suis pas certain que ce soit grave d'en vivre une... Pour les ch'tis, je ne peux pas juger le film ne l'ayant pas vu et je vois bien que beaucoup de gens l'apprécient énormément. Tant mieux si le cinéma français grand public est de nouveau capable de produire des films comiques non avilissants ! Et je verrai sans doute le film lorsqu'il passera à la tv... si j'ai acheté une tv d'ici là, me feront observer certains des camarades de la colonie. Désolé si j'ai donné un tour qui a paru polémique à la discussion, cela m'arrive parfois sur ce sujet qui me tient un peu à coeur. Je ne réponds d'ailleurs de rien si certains d'entre vous choisissent de défendre "Disco" sur ce forum... (ça va, c'est une plaisanterie... quoique)

Et bien, mes amis ! Quel forum ! ça c'est du débat.
On sent la passion qui se déchaîne... Je suis très fier d'administrer une telle rubrique.

Pour ce qui est de la question des Ch'tis, je ne pense pas que "l'unanimité nationale" dont ce film bénéficie puisse faire peur car elle me semble davantage le fruit d'un bouche à oreille que d'une grosse machine de propagande.
Par contre, je suis entièrement d'accord avec Francesco concernant les facilités de clivage "grand public" / "art et essai" dans le cinéma.
Au passage Francesco, je trouve que "Last days" que tu m'as prêté récemment se complaît beaucoup trop dans cette idée d'un cinéma "art et essai" où l'absence de dialogue, les plans fixes et les flash back inutiles servent "un peu" à faire ressenti le malaise du personnage au spectateur mais cachent "beaucoup" le vide narratif du film. C'est, dumoins, mon point de vue.

Enfin, si je peux tenter de mettre tout le monde d'accord, je dirais que "l'orphelinat", dans son genre (film fantastique un rien angoissant), constitue un très bon compromis entre efficacité et qualité, que ce soit sur le plan scénaristique ou sur les plans caméras vraiment très recherchés (je ne sais pas comment on dit plan caméra en "istique"...)
Je ne sais pas si quelqu'un d'autre l'a vu mais je ne laisserai jamais mes enfants jouer à 1,2,3, soleil! après ce film.

Je m'arrête là, et nous en reparlerons plutôt lors d'une prochaine rencontre, Choupinou, d'autant que je suis plutôt d'accord avec toi sur "Last days". Tu remarqueras d'ailleurs que je n'ai fait aucun commentaire en te le prêtant. Je pense que c'est le film le moins intéressant des quatre films de Gus Van Sant réalisés suivant la même logique de mise en scène ("Elephant", "Gerry", "Last days" et "Paranoïd park"), le plus artificiel et le plus maladroit. Passons...

Je partage en partie ton point de vue concernant l'unanimité nationale autour des ch'tis, au sens où le film n'était pas une machine médiatique à la manière d'Asterix, à ce point calamiteux que seule la promo lui a permis de cartonner une semaine, avant de voir le film s'effondrer continuellement par la suite (à la différence du Asterix de Chabat, par exemple, qui avait quelques qualités). Et là, je tiens à le dire, mon commentaire concernant le 3e volet d'Asterix n'est pas une "affaire de goût".

S'il y a un point où je reste en désaccord avec toi, c'est que je te trouve malgré tout fort naïf (et comme je sais que ce n'est pas une de tes caractéristiques, je m'interroge un peu sur la sincérité de ton propos, pour être honnête) : comment envisager que l'on soit confronté à un phénomène spontané quand un film est projeté dans près de 1000 salles chaque semaine depuis sa sortie nationale ? (ce qui le rapproche d'Asterix sur ce point et des blockbusters les plus diffusés) Sans oublier l'omniprésence de l'équipe du film dans les deux semaines précédant la sortie nationale, l'artifice de la sortie Nord / Pas-de-Calais et Picardie avancées et l'affichage colossal dans le métro parisien (pour ce que je peux vérifier au quotidien) qui n'avait rien à envier à Asterix. Pour le dire en bon bourdieusien qui récite son catéchisme, il n'y a pas de phénomène spontané et il faut en finir avec la psychologie des foules...

Par ailleurs, quand je soulignais l'unanimité nationale, je ne pensais pas seulement à quelque chose de construit artificiellement. Il me semble que dans un monde dont tout le monde dit qu'il s'uniformise, "Les Ch'tis" a l'avantage de répondre à une certaine demande sociale dans la mesure où il met en valeur (commentaire neutre et non pas mélioratif, of course) un patrimoine et une identité locale, un peu comme "Montaillou" a pu le faire il y a 30 ans, ce qui lui a permis de se vendre à des centaines de milliers d'exemplaires, phénomène inédit pour un livre d'histoire (de presque 1000 pages qui plus est et fort peu intéressant dans l'absolu).

Au passage, moi qui suis un quart Picard (personne n'est parfait), je trouve, dans les passages que j'ai vus, que l'on parle bien davantage picard que ch'ti (les "chiens" pour les "siens", je ne l'ai jamais entendu en NPC même chez le grand père de ma chère et tendre, pourtant très couleur locale, au point que j'ai parfois du mal à le comprendre, alors que c'est une expression courante en Picardie) dans ce film, ce qui peut paraître surprenant étant donné que le film se déroule dans une ville... flamande. Reconstruction pour parisien en mal d'identité marquée couleur pays ? C'est ma dernière perfidie, c'est promis. Comme dirait l'autre, "je me retire définitivement"... (fausse sortie)

ouh.. j'ai mal au crane!!!



Sinon, je n'ai pas trop aimé le 3e Asterix.

A signaler en salles un film particulièrement intéressant, et qui n'est pas, rassurez-vous, un film de cinéphiles, nécessairement blasés et hostiles au peuple...

"La Zona". Il s'agit d'un premier film, réalisé par un Uruguayen ayant émigré au Mexique. Dans un quartier sécurisé d'une ville d'Amérique latine indéfinie, trois jeunes adolescents originaires d'un quartier pauvre tentent d'effectuer un cambiolage. Ils tuent la propriétaire de la maison, suite à un enchaînement fort malencontreux de circonstances. Deux d'entre eux meurent en tentant de fuir. Reste le 3e, un jeune garçon de 16 ans, presque là par hasard, qui fait l'objet d'une traque impitoyable de la part des habitants du quartier et de la société qui assure la police dans leur quartier.

Il lui faut échapper aux caméras de vidéo-surveillance, aux rondes des habitants et franchir l'un des murs qui délimitent le quartier pour pouvoir se rendre à la police, corrompue, qui laisse les habitants du quartier s'assurer de leur propre sécurité et se montre réticente à l'idée de "sauver" un jeune voleur...

Un film extrêmement noir, plutôt violent, qui laisse peu de portes de sortie, à l'image de ce que sont parfois aussi les sociétés latino-américaines (quand bien même certains de leurs habitants, las de ces contrastes sociaux exhorbitants, ont fait le choix d'élire des gouvernements soucieux de les combattre : cf. à des degrés divers Evo Morales en Bolivie, les époux Kirchner en Argentine, Lula au Brésil, Tabare Vasquez en Uruguay, Rafael Correa en Equateur, Ugo Chavez au Venezuela, Michelle Bachelet au Chili). Des sociétés contrastées, fragmentées aussi, ce qu'illustrent ces quartiers fermés.

Les habitants du quartier sont terrifiants par leur logique de fonctionnement, eux qui ont parfois choisi de se mettre à l'écart pour des raisons "acceptables". Après avoir recréé une société qui se veut idéale derrière les barrières de leur quartier (leur fonctionnement est très "démocratique" par exemple), ils repoussent les limites du ressentiment, de la violence gratuite et expiatoire. A voir, je pense, mais c'est un film très dur et sans espoir. Si l'on veut rester optimiste, on peut voir le film comme un film d'anticipation (formellement, il ne se veut pas très réaliste). A nous d'empêcher que l'anticipation se réalise...

Toujours à propos des sorties récentes, je signale au public intéressé par le Proche-Orient l'existence d'un film passionnant, adapté d'un roman de Ron Ekrem, intitulé "Beaufort" et réalisé par Joseph Cedar.

Le film se passe dans un fort construit par les croisés au 13e siècle, dans le sud de l'actuel Liban. Les troupes israéliennes l'occupent depuis 1982. Le film se déroule en 2000 à la veille de l'évacuation du sud Liban, décidée si je ne m'abuse par Ehud Barak.

Le film raconte le quotidien de ces soldats qui ressentent l'absurde de leur présence dans ces lieux presque mythiques, conquis par hasard en 1982 et que l'Etat d'Israël n'a plus l'intention de défendre. Pourtant, il leur faut encore tenir quelques semaines, alors que le Hezbollah veut transformer le retrait du sud Liban, décidé unilatéralement par Israël, en défaite militaire. Nous passons deux heures en leur compagnie, bombardés fréquemment, subissant l'ordre de réaliser quelques sorties périlleuses et inutiles en dehors du fort. Le film insiste sur l'absurde de la guerre en prenant appui sur ce contexte particulier. Il a la beauté de certains des films d'Anthony Mann, et se révèle à la fois étouffant et éprouvant.

Les soldats regardent également la tv, et nous avec eux. On prend conscience de la place très importante à la tv israélienne des combats menés par l'armée israélienne. Une très belle scène nous montre le père d'un soldat du fort décédé interviewé à la tv.

Ce film est emblématique, comme d'autres, d'un certain renouveau du cinéma israélien, à l'inspiration clairement pacifiste. A la différence des autres que j'ai pu voir, il me semble beaucoup plus abouti formellement. A voir...

A ce sujet, il ne passe plus dans beaucoup de salles (il est sorti il y a 5 semaines environ) mais on peut encore le voir toutes les deux heures environ au MK2 Beaubourg pour les Franciliens.